Câbles sous
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Câbles sous

Jun 21, 2023

Pékin a peut-être bien démarré l'installation de ses infrastructures Internet sous-marines, mais la contre-offensive de Washington a réussi à bloquer le déploiement des câbles chinois. Au-delà des enjeux géopolitiques, il est possible qu’à terme, la bataille des câbles sous-marins puisse perturber le fonctionnement même d’Internet.

345 millions de dollars. C’est le montant de l’aide militaire à Taïwan annoncée par Washington le 28 juillet 2023. Un autre caillou dans le jardin de Pékin, qui considère l’île de Taïwan comme partie intégrante de la nation, et espère réunifier la province avec le territoire chinois. Comme pour la fourniture américaine à l'Ukraine, ces équipements militaires proviendront directement des stocks de l'armée américaine, signe que les Américains considèrent une action militaire chinoise contre Taiwan comme une possibilité.

Tout cela pourrait signifier que la volonté déclarée des deux plus grandes puissances du Pacifique de renouer le dialogue n’aboutira jamais. Leur rivalité est à la fois stratégique, économique et industrielle (notamment en matière de puces électroniques) et s'étend dans le cyberespace et sous les mers.

Les États-Unis ont en fait décidé il y a plusieurs années d’être proactifs en bloquant les ambitions chinoises en matière de câbles Internet sous-marins. Et là aussi, Taiwan représente un enjeu important pour les deux puissances. Avec 14 câbles, quatre stations d'atterrissement de câbles et deux grands centres de données, l'île est l'un des hubs majeurs de cette région du Pacifique. Un atout pour le territoire, mais aussi une faiblesse – notamment en cas de conflit – car totalement dépendant de ces infrastructures fragiles.

Mais la rivalité sino-américaine dans ce domaine s’étend bien au-delà de Taïwan, car la Chine a inscrit depuis 2015 le développement des câbles dans sa stratégie de « Nouvelle Route de la Soie ».

Câbles chinois : Huawei, un opérateur fluide

Alors, quel est l’objectif de cette « Route de la soie numérique » ? Soutenir les routes commerciales physiques par des autoroutes numériques, afin de créer des synergies et d'ancrer plus fermement les pays participants dans l'orbite économique, voire politique, de la Chine. L’idée était aussi d’éviter de dépendre des infrastructures occidentales en cas de tensions, voire de conflits, avec Washington et ses alliés. Dans la même perspective, il était également prévu de déployer des câbles dans tout le Pacifique, ce qui étendrait et consoliderait la zone d'influence chinoise dans la région.

Un opérateur fluide était présent : Huawei Marine Networks, une émanation de Huawei. Avant 2019, l’entreprise avait réussi à conquérir 15 % du marché des câbles sous-marins. Cependant, avec son infrastructure 5G et ses produits grand public, Huawei était une véritable épine dans le pied de Washington. Lorsque les sanctions se sont multipliées, Huawei a transféré sa division câbles à Hengtong Optic-Electric Co Ltd, une société subventionnée par le gouvernement chinois pour poser des câbles, et qui a rebaptisé la division HMN.

Ce changement d'acteur n'a en rien refroidi le zèle guerrier des Etats-Unis à l'égard de l'opérateur. Washington craint, comme il l’a fait avec les équipements 5G, que Pékin profite de ce déploiement d’infrastructures pour espionner les communications américaines. Pour les États-Unis, la mission clé est de défendre et d’étendre leur propre zone d’influence dans le Pacifique, face aux ambitions chinoises. Elle utilise la stratégie classique du « confinement », et dans certains cas même du « roll-back ».

Quand Washington sabote les projets américains

Dans cette optique, l’initiative « Clean Network » a été lancée en 2020, visant à interdire toute liaison transpacifique directe entre les deux rivaux. Le résultat immédiat fut que Washington bloqua la licence d'un câble en cours de pose par Meta et Google, entre les Etats-Unis et Hong Kong. Finalement, le « Pacific Light » est entré en service en 2022, mais ne dépasse pas les Philippines et Taiwan.

De même, en 2018, les Américains avaient bloqué un projet entre Meta, Amazon et China Mobile, en raison de l'implication de cette dernière. Il aurait relié la côte ouest américaine à Singapour, à la Malaisie et à Hong Kong. En 2021, Meta et Amazon ont relancé le projet de câble sans le partenaire chinois, et ont retiré Hong Kong des points d'atterrissage. Cependant, ce fut un effort inutile, même si 12 000 km de câble pour la liaison « Cap-1 » avaient déjà été posés : l'implication de Pékin dans la version initiale du projet a suffi à le marquer à vie.